La traversée de l'angoisse

La gorge nouée, la voix étouffée, le ventre contracté, le cœur (serré) dans un étau … autant de manifestations de l’angoisse, de ce qui à proprement parlé, se resserre dans le corps, devient plus étroit et suscite alors un sentiment de suffocation et d’oppression.

Un désastre en mer (1835) - William Turner

L’angoisse est d’abord un évènement dans le corps qui semble surgir à n’importe quel moment et qui nous place dans une intimité déplaisante et indésirable avec nous-même. L’angoisse apparait parfois dans un mouvement progressif, lent et crescendo, ou à l’inverse dans un bondissement fulgurant, saisissant. Quelle que soit sa temporalité, les causes de son émergence restent souvent mystérieuses et laissent le sentiment qu’un danger imminent est sur le point de survenir.

Mais de quel danger s’agit-il ?

Si le danger peut être bien réel dans certaines situations, la plupart du temps il est en fait une supposition, un imaginaire qui correspond à des projections dramatiques de ce qui pourrait advenir, c’est-à-dire à des représentations de ce qui pourrait être perdu (la perte d’un amour, d’un parent, d’une situation, d’une réputation…).

En cela, l’angoisse nous signale le danger que nous allons faire l’expérience d’un manque. L’alarme - la larme - est tirée mais le danger, parce qu’imaginaire, se fait attendre. L’angoisse en quelque sorte, est le symptôme de l’attente anxieuse, où plus rien ne bouge. C’est le temps suspendu de la préparation à quelque chose qui va arriver, dont on n’a aucune idée de la forme qu’il va revêtir mais que l’on guette.

Toute la question lors de la séance analytique, sera de découvrir ce qui manque ou qui risque d’être perdu. En cela, l’angoisse est un affect qui ne trompe pas et qui indique le lieu du désir, c’est-à-dire ce qui manque et ce vers quoi nous tendons. L’angoisse est alors le seuil à franchir pour toucher à notre désir. Mais parallèlement, l’angoisse est aussi trompeuse en nous faisant croire qu’il y aurait un danger à franchir la porte de l’angoisse et à s’engager au-delà.

Dès lors, l’angoisse est la trace du réel dans le corps, de l’existence de notre désir inconscient qui se révèlera à nous-même lors de la traversée de l’angoisse.